Jo Ann Callis et Jan Groover : 1970s, années chromatiques
01/09/ - 13/11/2022
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A Los Angeles, Jo Ann Callis jonglait avec deux jeunes enfants, de nombreux déménagements, des études de beaux-arts le soir et un divorce imminent. Elle s'accroche, et sa série 'Early Color' a été complétée en 1976. Ses mises en scène cinématographiques suintent les angoisses d'un environnement domestique claustrophobe où la liberté, le plaisir et la curiosité sont bridés. Les décors ont été tous été fabriqués par Callis, pour la plupart dans son garage à Los Angeles, converti en atelier. L'artiste a fait appel aux amis pour poser dans un décor étrange rassemblant différents objets et accessoires domestiques: du mobilier de sa maison - chaises, tables, plantes - mais aussi de la ficelle, du scotch, des draps satinés, des lampes, du sable, du miel.
Au même moment, sur la côte ouest des États Unis, Jan Groover photographiait des gros plans de son évier de cuisine où s'entremêlaient des moules à gâteau en inox, des fourchettes, des lames de couteau et des feuilles de plantes d'intérieur, tous luisant comme dans un rêve mais rendus surréels, mystérieux, par leur échelle inhabituelle. En 1979, une image de cette série fait la couverture de la très prestigieuse revue ArtForum: signe, selon le critique Andy Grundberg, que la photographie était désormais prise au sérieux par le monde de l'art. Jusqu'alors, la photographie en couleur avait surtout été considérée comme une pratique commerciale, adaptée à la mode et à la publicité.
Pendant qu'Eggleston expose au MoMA, les talentueuses Callis et Groover réalisent les séries en couleur qui sont présentées aujourd'hui à Galerie Miranda. La liberté des extérieurs d'Eggleston, qui a pu quadriller le paysage américain, contraste avec la densité des intérieurs de deux artistes femmes. Toutes deux diplômées en beaux-arts et dotées d'une grande culture de la peinture, elles avaient chacune exploré différentes formes artistiques et Groover avait déjà consacré la première partie de sa carrière à la peinture abstraite. Toutes deux citent, par exemple, les aplats et les mises en scènes calmes du peintre italien Giorgio Morandi (1890-1964) à titre d’influence majeure. Callis peignait mais s'intéressait également à la lithographie, à la céramique et au textile. Les deux photographiaient aussi en noir et blanc et avec un Polaroid. Chacune préparait minutieusement ses mises en scène : John Szarkowski du MoMA, explique dans sa préface à la monographie qui lui est dédiée en 1992, que la formation de peintre de Jan Groover "lui aurait appris qu'une image est quelque chose qui est fabriquée, pas découverte." De même, Judith Keller, Senior Photography Curator du J. Paul Getty Museum, cite Callis : “La photographie (...d'une chambre) est extrêmement structurée pour qu'elle évoque plus qu'une simple chambre; elle évoque quelque chose, comme une chambre de votre esprit" (dans sa préface à la publication Jo Ann Callis: Woman Twirling (2009, Getty).